31/10/2014
Le mariage de M. Weissmann d'après Karine Tull
5, rue La Bruyère
75009 PARIS
(M° St-Georges)
Loc. 01 48 74 76 99
Pl. 24 & 28€
- de 26 ans : 10€
(mardi, mercredi, jeudi selon disponibilité)
À 19 heures du mardi au samedi
Adaptation et mise en scène : Salomé Lelouche
avec Jacques Bourgaux, Mikael Chirinian, Bertrand Combe
Autant le dire d’emblée, c’est un spectacle vif, bref et formidable. De quoi s’agit-il ? Saül Weissmann découvre, à 70 ans, alors qu’il souhaite se marier religieusement, pour complaire à Simone, qu’il n’est pas le juif qu’il a toujours cru être.
Cela ne serait que de peu d’effet si ce n’était toute une culture, toute une vie et sa façon d’être qui n’étaient ainsi remis en cause.
Trois hommes en scène qui sont parfois le même homme et ses consciences (la goy et la juive), ces deux parts de lui-même qui se disputent sa pensée, comme autant de Jiminy Cricket d’un Pinocchio vieillissant, un peu maladroit, si perdu, si humain et très touchant.
D’interrogations personnelles en aventures, de consultations diverses en heureux événements, le discours prendra forme et le propos final ne peut être dévoilé sous peine de nuire au plaisir du spectateur futur.
Tout au long de cette adaptation très fine du roman de Karine Tuil publié chez Grasset (« Interdit »), très écrite et dialoguée avec talent, mise en scène également, avec légèreté et non sans adresse par Salomé Lelouch, nous sommes amenés à nous poser la question de ce que nous sommes au fond de nous-mêmes. L’homme est-il une construction, ou simplement, suivant la formule attribuée à Malraux « un misérable petit tas de secrets » ?
Il ne semble pas que M. Weissmann ait beaucoup de secrets, c’est un homme simple et transparent, avec ses faiblesses égoïstes, ses cruautés (le portrait de Simone n’est pas sans évoquer la Félicie de Fernandel), ses craintes parfois fondées et ses espoirs timides, mais ses réflexions parfois à l’emporte-pièce ne sont ni sans profondeur, ni sans résonance.
C’est un plaisir vraiment que cet humour très juif, si particulier, tourné vers l’autodérision, comme souvent l’est l’humour des opprimés, qui trouvent chez leurs bourreaux, ou dans leurs propres tourments une source inextinguible de moqueries, ce qui fait de cet esprit la politesse du désespoir.
Ce qui se pose au fond est la question de l’identité de l’homme : qu’est ce qui nous construit, qu’est ce qui nous conduit, qu’est ce qui nous fait peur : nous même ou les autres ?
Jacques Bourgaux, Mikaël Chirinian et Bertrand Combe nous entrainent avec vivacité dans le petit monde de M. Weissmann et nous ne pouvons que vous inviter à les y rejoindre, pour 55 minutes de bonheurs et d’intelligence partagés.
C’est au théâtre La Bruyère à 19 heures, du mardi au samedi.
© Frédéric Arnoux
( Photos : LOT )
11:18 Publié dans THEATRE | Lien permanent