07/09/2017
PREMIER AMOUR de Samuel Beckett
Théâtre LES DECHARGEURS
3, rue des Déchargeurs
75001 PARIS
(M° Châtelet)
Loc. 01 42 36 00 50
Pl. de 10 à 26€
CREATION-THEATRE
Durée : 1h10
du mardi au samedi à 19h30
Mise en scène : Jacques FONTAINE
avec : Christophe COLLIN
Ne vous leurrez pas, ce premier amour là n'appartient pas à Tourgueniev mais bel et bien à Beckett et c'est un Samuel inattendu que nous découvrons, complètement atypique quant au style habituel de l'auteur.
Vous avouerai-je que c'est peut-être pour cela que je l'ai tant apprécié ? ...
A l'origine, le texte ne fut pas écrit pour le théâtre puisque c'était une nouvelle destinée à ne pas sortir du genre pour s'exposer à la scène. Ce qui eut été dommage !
Le personnage sous les traits de Christophe Collin arrive lentement vers nous mais à grands pas. Il s'assied, bras écartés puis couche sa grande carcasse sur un banc et commence à raconter.
Ce curieux homme semble cultiver une attirance toute particulière pour les cimetières.
Il avoue même y avoir " cassé la croûte " En voilà un dont le lieu ne coupe pas l'appétit ! Mieux, il prétend percevoir l'odeur des morts qu'il préfère à celle des vivants …
Il aime tellement ce lieu qu'il a du reste poussé la fantaisie jusqu'à composer lui-même son épitaphe tant il est vrai que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même …
Avec une facétie grinçante il nous narre peu à peu ce qui lui advint. Cette rencontre pour le moins inattendue qui débouchera sur une expérience charnelle alors que nous l'avons tous compris cet homme plus que tout autre ne fait que passer, repousse les sentiments, refuse toute forme d'attachement et il faut bien le reconnaître joue volontiers les parasites tant son égocentrisme est prégnant.
Alors que son père venait de mourir, ce père qui l'entretenait à domicile, la famille n'a pas tardé à l'envoyer au diable et c'est là, au bord de l'eau stagnante du canal, qu'il fit la connaissance de Lulu laquelle ne tardera pas à lui offrir l'hospitalité et bien plus que cela … Il se laissera donc aimer avec un égoïsme caustique assez sidérant.
Inadapté à l'amour, ce profiteur ne tardera pas à prendre la poudre d'escampette lorsque le ventre de ladite Lulu commencera à s'arrondir ; il est vrai que la dame se prostituait pour le nourrir alors qu'il conservait son héritage en poche et trouvait naturel de se laisser vivre et aimer tout simplement …
Vous l'avez compris, le personnage n'est pas très sympathique mais Christophe Collin le rend si intéressant !
Vous avouerai-je que ce comédien m'a fait penser à Brel avec ces gestes amples, cette façon qu'il a de mâcher les mots afin de renforcer leur consistance ?
Indéniablement, c'est du grand Art ! Quand Christophe Collin est sur scène, il fait corps avec le texte et le personnage qu'il incarne de façon sidérante.
Le théâtre des Déchargeurs l'accueillit en juin jusqu'à début juillet et reprend fort judicieusement le spectacle durant tout septembre.
Si vous l'avez manqué la première fois, précipitez-vous car un moment exceptionnel vous y attend. J'ajouterai que la mise en scène de Jacques Fontaine est tout à la fois sobre et signifiante.
Simone Alexandre
10:15 Publié dans THEATRE | Lien permanent