21/05/2019
Les joies du devoir d'après La leçon d'allemand de Siegfried Lenz
Théâtre du Soleil
Cartoucherie de Vincennes
route du Champ de Manoeuvre
75012 PARIS
(M° Château de Vincennes)
+ navette gratuite
Loc. 01 43 74 24 08
Pl. de 10 à 18€
https://theatre-du-soleil.fr/fr/
du mercredi au samedi à 20h
dimanche à 16h
Du 15 au 26 MAI 2019
Mise en scène : Sarah Oppenheim
avec Maxime Levêque, Fany Mary, Rodolphe Poulain et Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre
La pièce commence dans une quasi pénombre.
Nous assistons au double enfermement en une cellule et sur une île, d'un jeune délinquant ou considéré comme tel. Siggi fume une cigarette offerte par un gardien compatissant et remonte le fleuve de ses souvenirs …
Ce serait un euphémisme que de dire qu'il ne faisait pas bon vivre en Allemagne à l'époque du Troisième Reich ; rendre une page blanche à la suite d'une épreuve de rédaction surtout en un lieu semblable, déclenchait obligatoirement des représailles et ce fut ce séjour en cellule d'isolement.
Or le jeune homme avait précisément bien trop de choses à dire et ne savait par quoi commencer. La réclusion ajoutée à la solitude obligatoire serviront de déclencheur à l'écriture …
Le thème de la dissertation imposée était " les joies du devoir " et par une sorte de bravade, Siggi prenant délibérément la situation au sérieux, écrira sans interruption pendant 3 mois, refusant ensuite la liberté qui lui est offerte, arguant le fait qu'il n'en a pas terminé.
Mais revenons au contexte de l'histoire : le père de Siggi est un officier de police et en cette année 1943 a reçu des instructions de Berlin lui enjoignant de signifier à l'un de ses amis en la personne du peintre Max Nansen que ce dernier doit cesser de peindre ajoutant dans un deuxième temps que les oeuvres des deux dernières années seront confisquées.
A l'époque aucun ordre n'était discuté et le brigadier de Rugbüll non seulement obéira mais ira même jusqu'à faire du zèle …
Réponse de Max,
- " Retiens bien ça : je continuerai à peindre. Je peindrai des tableaux invisibles. J'y mettrai tant de lumière que vous n'y verrez que du feu."
Les circonstances sont analogues à celles que vécut Hans Emil Hansen, dit Emil Nolde deux années plus tôt quand Adolf Ziegler lui formula la même injonction.
Il était alors question " d'art dégénéré " (sic) et ce dernier vit ses tableaux confisqués puis bon nombre d'entre eux furent détruits.
( photos : Luc Maréchaux )
Ici, Siggi témoin de la scène et sensible à l'injustice entrera en résistance vis à vis de son père représentant de l'ordre établi. Cette pièce fut inspirée par " La leçon d'allemand " de Siegfried Lenz dont l'oeuvre s'inscrit dans le cadre du redressement intellectuel ( et politique ) du pays.
Sur cet immense espace scénique, des écrans situés non seulement en fond de scène mais sur le côté, en biais, permettent au spectateur de s'engouffrer dans l'action, de rejoindre ces personnages sur les rives de l'Elbe où règne cette glaciale et pourtant envoûtante lumière nordique.
C'est à la fois dérangeant et très beau. Il ne vous reste plus hélas que quelques jours pour aller applaudir les participants à ce spectacle qui dure une heure cinquante mais nous captive par le biais de son farouche esthétisme, ajouté à la puissance du verbe.
Simone ALEXANDRE
22:46 Publié dans THEATRE | Lien permanent
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