30/01/2018
La maladie de la mort de Marguerite DURAS
THEATRE DES BOUFFES DU NORD
37 bis, boulevard de la Chapelle
75010 PARIS
(M° La Chapelle)
LOC. 01 46 07 34 50
Tous les jours sauf dimanche et lundi à 20h30
matinée le samedi à 15h30
jusqu'au : 3 FEVRIER 2018
Dans le cadre de la programmation
hors les murs du Théâtre de la Ville
Librement adapté d'après le récit de Marguerite Duras
Mise en scène : Katie Mitchell
Adaptation : Alice Birch
avec : Laétitia Bosch, Nick Fletcher et Irène Jacob
Quand on pénètre en ce lieu ( Les Bouffes du Nord possèdent une ambiance qui diffère des autres théâtres ) ce qui surprend tout d'abord, c'est pour ce spectacle en particulier, l'éloignement du décor dans lequel va se dérouler l'action.
Au dessus de l'espace scénique figure un écran sur lequel les images en direct seront projetées en noir et blanc ce qui crée un effet supplémentaire de distanciation voulue.
La Femme ( Laetitia Dosch ) nous apparaît alors dans toute sa nudité présentant des petits seins d'adolescente marqués de trois grains de beauté avec ce visage adulte aux lèvres copieusement maquillées.
L'Homme ( Nick Fletcher ) lui a proposé contre rémunération de satisfaire ses exigences ... Il convient qu'elle se tienne à son entière disposition plusieurs nuits de suite, peut-être plusieurs semaines, voire plus ?
Il s'ensuivra un rapide marchandage : la moitié avant, le solde après. La somme est conséquente. Elle accepte. Le but ? Essayer. Quoi ? D'aimer. Curieuse démarche.
Jusqu'à maintenant, il en fut toujours incapable or la femme est-elle un bien de consommation ? Peut-on aimer quelqu'un que l'on achète, quelqu'en soit le prix ?
Le malaise s'installe … le spectateur réduit à l'état de voyeur attend la suite.
La soumission de cette esclave ponctuelle doit être totale. L'homme prend son temps jusqu'à en devenir inquiétant et se contente parfois de la regarder dormir. Quand il voudra la photographier, elle réagira mais le reste du temps reste passivement disponible.
Nous la voyons arriver chaque soir, prendre l'ascenseur ouvrir la porte pour le rejoindre, prendre une douche, toujours seule car il ne saurait y avoir une quelconque complicité entre eux. Pour elle, c'est un contrat à honorer, point final. L'homme reste énigmatique.
( photos : Stephen Cummiskey )
Cherche t'elle à le faire sortir de ses gonds en lui disant qu'il est atteint de la maladie de la mort ? Ou bien est-elle persuadée que l'expérience est vouée à l'échec ?
Il pensera un temps à se trancher les veines mais n'en fera rien.
Fidèle à elle-même, Marguerite Duras suggère sans conclure. C'est au lecteur ou au spectateur de faire avec, de compléter sa pensée sans nul doute embrumée par l'alcool ? On aime ou on n'aime pas. Les durassiens affectionnent l'imprécision croyant y déceler une forme de génie quelque peu maléfique et à ce titre intéressant.
Pour supporter cette curieuse démarche nous nous accrochons à la fois à la présence scénique bien que distanciée et à la voix d'Irène Jacob qui joue ici le rôle de la narratrice. Ce faisant le spectacle ne peut plus sombrer dans la vulgaire pornographie.
Aux images filmées en direct viendront s'adjoindre quelques extérieurs en différé, la femme traînant son passé avec elle. De l'homme nous ne saurons rien puisque c'est un mort-vivant. Son léger accent lui confère un charme que vient conforter une vague ressemblance avec Anthony Perkins, côté regard quand la caméra le scrute à son tour.
C'est un spectacle atypique, mené adroitement par Katie Mitchell mais qui nous laisse sur notre faim comme l'auteur le voulait sans doute ?
Simone Alexandre
09:45 Publié dans THEATRE | Lien permanent